Plonger dans l’inconnu pour trouver du nouveau…
Xavier Darcos
Chancelier de l’Institut de France, Président du jury du prix littéraire Martine Aublet
La Fondation Martine Aublet, créée et sans cesse inspirée par Bruno Roger, a démontré son utilité, grâce à la quinzaine de bourses, destinées aux doctorants, qu’elle distribue chaque année. Elle arrive à repérer les chercheurs qui semblent le plus prometteurs, au sein des milieux scientifiques intéressés par l’ethnologie et par les arts premiers, afin de leur apporter des soutiens financiers. Elle entretient ainsi une tradition culturelle de notre pays : le secteur des sciences humaines et sociales, y a toujours été dynamique et fécond, admiré mondialement.
Comme pour couronner cette mission, Bruno Roger a souhaité, depuis 2012, créer le « Prix Martine Aublet », d’un montant de 10 000 euros. Il vient récompenser un ouvrage, publié en France, qui contribue à la connaissance des cultures et des civilisations non-occidentales dans les domaines de l’ethnologie, de l’histoire extra-européenne et de l’histoire de l’art. Ce champ multiculturel est vaste : le Jury y décèle chaque année une figure majeure qui s’est imposée, à sa manière, dans ces diverses disciplines.
L’excellente réputation de ce prix original s’est installée rapidement. Il est devenu le signe de la plus fiable des reconnaissances dans le domaine concerné. Il a honoré les plus illustres personnalités de l’ethnologie, comme Françoise Héritier ou Sanjay Subrahmanyam. Il a salué des travaux sur des œuvres majeures, comme celles de Claude Lévi-Strauss ou de Simon Leys. Il met donc en lumière des valeurs et des disciplines auxquelles Martine Aublet était attachée : compréhension de l’altérité, refus de l’ethnocentrisme, curiosité et intégrité intellectuelles, solidité du savoir, amour de la beauté dans ses formes les plus lointaines.
Voilà pourquoi ce prix scientifique relève aussi d’une exigence morale et reflète une vigilance essentielle. Car rien n’est plus urgent, nous le constatons chaque jour à tout propos, que d’élargir notre vision et d’ouvrir notre conscience, pour que chacun sorte de son quant-à-soi et se sente citoyen du monde. C’est ce que dit Baudelaire du voyage vers l’ailleurs : il nous fait « plonger dans l’inconnu pour trouver du nouveau ».