Discours du Président Jacques Chirac
Discours de Monsieur le Président Jacques Chirac à l’occasion de la remise des insignes d’Officier de l’Ordre national du Mérite à Madame Martine Aublet. Musée du quai Branly, lundi 17 décembre 2007.
Chère amie,
C’est avec un très grand plaisir que je vais vous remettre dans quelques instants les insignes d’Officier de l’Ordre national du Mérite. Et je suis profondément heureux de procéder à cette cérémonie en présence de vos amis et de vos proches dans ce musée du quai Branly qui tient une place particulière dans mon cœur.
Cette haute distinction couronne un parcours hors du commun qui a fait de vous une spécialiste des arts premiers et un très grand mécène.
Vous avez toujours vécu dans le monde des arts. L’exemple de votre grand-père, le peintre orientaliste et portraitiste Albert Aublet, celui de votre père, Félix Aublet, le disciple de Le Corbusier, l’ami de Robert et Sonia Delaunay, de Roger Bissière, d’Alfred Manessier, de Nicolas de Staël, qui fut architecte, décorateur, designer, peintre et, en tout, un témoin éminent de la remarquable créativité artistique de notre 20ème siècle, ces deux beaux exemples, joints à l’influence d’une enfance aixoise passée au pied de la montagne Sainte-Victoire, ne pouvaient que vous inciter à vous passionner pour tout ce qui touche à l’art et au monde artistique. Aussi, dès votre baccalauréat obtenu, vous vous inscrivez à la Sorbonne pour y suivre des cours d’histoire de l’art.
La brillante étudiante décroche sa maîtrise avec une mention « Très bien » et entame immédiatement sa carrière professionnelle comme chargée de mission pour la préparation des expositions à l’Association française d’action artistique du ministère des Affaires étrangères. Cette expérience et votre attirance pour l’Afrique où votre père est né et a vécu une grande partie de sa jeunesse vous conduisent très vite à rejoindre l’association pour le développement des échanges artistiques et culturels du ministère de la Coopération. Vous y êtes tout spécialement chargée d’organiser des manifestations illustrant l’art et la culture africaine. C’est ainsi que vous présenterez en 1977 une très belle exposition, intitulée « Lumière noire », à Lagos, au Nigéria. L’année suivante, ce sera « Isle de France à Maurice » au musée de la marine, à Paris. Et vous mettez à profit ces cinq années où vous vous consacrez à faire mieux connaître et mieux comprendre les formes d’art et de culture de ce grand continent pour devenir vous-même un expert en ce domaine.
C’est alors que Jean-Michel Huguenin, qui dirige une galerie spécialisée dans les Arts Premiers et qui apprécie votre compétence et votre expertise, fait appel à vous : vous serez ainsi organisatrice d’expositions d’art africain et océanien pour cette galerie durant cinq ans, avant de répondre une fois encore à la force de l’exemple que vous a laissé votre père en devenant co-directrice d’une agence d’architecture d’intérieur.
Nous sommes en 1988 : à ma demande, mon ami Jacques Friedmann met sur pied la mission de préfiguration du musée du quai Branly et , déjà, se préoccupe du mécénat, indispensable aujourd’hui, et à la vie et à l’évolution de tout organisme à vocation scientifique et culturelle. Et c’est à vous, dont l’engagement profond et généreux est bien connu dans le monde des arts, que va être confiée la réalisation d’un rapport sur le mécénat. Vous vous y consacrerez durant six mois, bénévolement et à vos frais, menant vos recherches en France, mais aussi en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. La qualité de votre réflexion et la pertinence de vos conclusions et de vos recommandations, que vous remettez en décembre 1998, sont unanimement reconnues. Elles conduisent Stéphane Martin, dès sa nomination à la présidence du tout nouvel établissement public, à vous appeler auprès de lui comme chargée de mission pour le mécénat. Vous êtes actuellement Directeur, conseiller pour le mécénat auprès de lui .
En 8 ans, vous avez accompli un travail remarquable dans ce domaine où tout était à construire. Et je tiens à vous exprimer ma plus vive reconnaissance et mon admiration pour la compétence, l’enthousiasme et le talent avec lesquels vous avez assumé ces responsabilités délicates. Votre passion a réussi à convaincre des amateurs, des collectionneurs, des spécialistes français et étrangers, des grandes entreprises publiques et privées. Tous se sont engagés avec une immense générosité dans un projet exemplaire à travers lequel sont enfin reconnus et consacrés la place et le rôle éminents des Arts Premiers. Ces mécènes, ces partenaires du musée ont tenu, par leur présence ici aujourd’hui, à vous rendre hommage. Je m’en réjouis profondément, car cela m’offre l’occasion de leur dire à nouveau toute ma gratitude : sans eux, le musée du quai Branly ne connaîtrait pas le succès éclatant qu’’il rencontre depuis son ouverture.
Vous-même, chère amie, avez rejoint très tôt avec votre mari, mon ami Bruno Roger, le cercle des mécènes du musée : vous avez apporté votre soutien à la réalisation des plafonds peints par les peintres aborigènes d’Australie, et à celle du montage photographique créé par l’atelier Jean-Nouvel pour le plafond du salon de lecture Jacques-Kerchache ; vous avez aussi financé la restauration des peaux peintes des indiens d’Amérique du Nord qui ont été présentées cette année dans la très belle exposition intitulée « Premières nations, collections royales : les indiens des plaines et des prairies d’Amérique du Nord » ; vous avez encore, votre mari et vous, apporté votre concours à la première édition de la Biennale photographique du musée, « Photoquai », et en particulier à l’exposition « Camera Obscura » qui présente en ce moment même les plus anciens daguerréotypes des collections du musée.
Et je ne saurais oublier que vous partagez également avec votre mari un même goût pour l’art lyrique, ce qui vous vaut d’exercer depuis 2005 les responsabilités de Secrétaire Générale du conseil d’administration de l’Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris.
Chère amie, dans les différentes responsabilités qui vous ont été confiées tout au long de votre belle carrière, vous avez rendu de très grands services au monde des arts. Mais c’est tout particulièrement pour la part exceptionnelle que vous avez prise à la réalisation et à la vie de ce musée du quai Branly si cher à mon cœur que je suis heureux de vous remettre, avec mes très vives et très chaleureuses félicitations, les insignes d’Officier de l’Ordre national du Mérite. Et à travers vous, je souhaite rendre hommage également à tous les mécènes et tous les partenaires qui ont permis que ce haut lieu de rencontres porte si haut, si fort, son message humaniste, un message universel de paix, en témoignant de l’égale dignité des cultures et des hommes.